Dénutrition de la personne âgée : prévenir et soigner

Véritable problème de santé publique, la dénutrition de la personne âgée se doit d’être combattue. Les équipes de cuisine et les personnels soignants d’EHPAD ont aujourd’hui de nombreux outils pour y parvenir, comme l’offre Harmonie Textures, développée par Sodexo afin d’accompagner les établissements d’un point de vue nutritionnel et humain.

La dénutrition en maison de retraite : statistiques actuelles 

D’après la Haute Autorité de la Santé, 270 000 résidents d’EHPAD souffriraient de dénutrition, soit plus d’un tiers des personnes âgées accueillies dans ce type d’établissement. Un véritable problème de santé publique, qui entraîne de nombreuses conséquences pour nos aînés touchés. Du risque de chute aux infections en passant par la hausse des troubles physiologiques et psychologiques, la dénutrition entraîne une aggravation de l'état de santé général et peut même provoquer leur hospitalisation pour ce seul motif.

Qu’est-ce que la dénutrition de la personne âgée ? 

Selon la définition courante employée par la Haute Autorité de la Santé, toute personne âgée de 70 ans et plus enregistrant une perte de poids de 5 % en un mois, ou de 10 % en 6 mois, entre dans le critère diagnostique de dénutrition, de même si leur IMC passe en dessous du seuil de 22 kg/m², ou encore si un diagnostic de sarcopénie est confirmé. L’absorption réduite d’aliments (provoquée par la malabsorption ou la maldigestion) et/ou la réduction de la prise alimentaire pendant plus de deux semaines étayent ce diagnostic.

Des réponses humaines et alimentaires à la dénutrition de la personne âgée 

Pour répondre à ce type de pathologies, les EHPAD peuvent s’appuyer sur leurs soignants. Angélique Bertrand, infirmière coordinatrice à la résidence Temps de Vie à Maubeuge, est de celle-ci. Elle assure le suivi de la qualité de l’accompagnement au quotidien des résidents, en s’appuyant sur différents services de l’établissement.

À une échelle plus large, la lutte contre la dénutrition s’effectue également au moment de concevoir des menus à destination des personnes âgées. Le travail des diététiciens s’avère crucial pour combattre les premiers symptômes de la pathologie par le biais de recettes conçues pour réinstaurer la variété alimentaire des résidents et leur redonner le goût et le plaisir de manger. Jean Zigna, diététicien pour la Direction Sud-Ouest de Sodexo, accompagne les équipes soignantes et les cuisinants dans la mise en place d’une offre comme Harmonie Textures, qui promeut le plaisir de manger des personnes âgées, et leur prodigue les apports nutritionnels nécessaires à leur confort et à leurs besoins.

Angélique Bertrand et Jean Zigna nous donnent toutes les clés pour comprendre le phénomène de dénutrition, ses causes, et les pistes de lutte pratiquées actuellement dans les EHPAD pour endiguer le fléau.

Quelles sont les causes de la dénutrition chez les seniors ?

Angélique Bertrand : Il y a plusieurs causes. Parmi elles, on peut citer les problèmes bucco-dentaires, les troubles digestifs ou de la déglutition, la diminution de la perception sensorielle, en particulier le goût et l’odorat, la constipation, les états dépressifs.

Jean Zigna : Dans les EHPAD, on enregistre des pertes de poids qui sont liées au changement de contexte, par exemple pour les personnes âgées qui voient leur quotidien bouleversé après avoir longtemps vécu à leur domicile. Il y a également des phénomènes liés à des pathologies chroniques, qui sollicitent les défenses immunitaires et consomment beaucoup l’énergie des résidents, en particulier les protéines, sans que cela soit compensé par les repas. Des personnes en dénutrition souffrent aussi d’iatrogénèse médicamenteuse, certaines molécules combinées entre elles entraînant un effet coupe-faim. Enfin, la prise en charge de la sarcopénie dans les critères diagnostiques étaie aussi une des causes de la dénutrition. On assiste en effet à une diminution de la masse musculaire au niveau des muscles masticateurs et du larynx chez certains patients, ce qui entraîne des difficultés pour s’alimenter correctement.

La dénutrition peut-elle être liée à la texture des aliments ?

Jean Zigna : On s’aperçoit en effet que malheureusement, les personnes les plus à risque de dénutrition sont celles qui mangent en « alimentation mixée ». Les deux peuvent donc être corrélées.

Dans ce cadre, comment le fait de réintroduire des aliments en petits morceaux peut aider à la lutte contre la dénutrition ?

Jean Zigna : Le problème des plats mixés vient de leur uniformité : une personne âgée en déficit de perceptions sensorielles a l’impression de manger la même chose à chaque repas. Aussi, d’abord par la présentation, ensuite par le choix des textures proposées, au travers d'une offre comme Harmonie Textures où sont proposés des aliments en petits morceaux, nous parvenons à restimuler l’appétit. Cela passe par des astuces pour éviter la lassitude. Ainsi des aliments « proscrits » font leur retour, comme le bleu et le chèvre, pour compenser ces fromages fondus ou frais donnés avec les repas mixés qui ont souvent un goût très uniforme.

Angélique Bertrand, quelles étaient vos attentes vis-à-vis de la restauration et notamment de l'offre Sodexo ?

Angélique Bertrand : Le programme Harmonie nous a semblé évident. Il permet d’avoir une texture adaptée à chaque résident selon ses capacités. Il nous aide à lutter contre la dénutrition de la personne âgée en répondant aux besoins de santé des résidents. Il nous a permis de constater moins de fausses routes et moins d'infections pulmonaires. Il a aidé au maintien du poids corporel des résidents.

Comment les équipes de votre établissement ont été accompagnées lors de la mise en place d'Harmonie ?

Angélique Bertrand : Le passage de la texture mixée aux petits morceaux ne se fait pas sans un accompagnement spécifique, partie intégrante de la démarche normée. L'équipe Sodexo est présente à chaque instant pour assurer le changement des pratiques. Après avoir bénéficié d'une formation effectuée par un orthophoniste, nous avons rapidement déployé le programme Harmonie. L’équipe de cuisine et celle de soins ont échangé et se sont impliquées dans le projet. L’équipe de cuisine est allée voir comment se déroulait l’accompagnement du repas dans les étages. La formation proposée par l’équipe de Sodexo a facilité la mise en place du projet.

Jean, à votre échelle, comment se déroule l’accompagnement des établissements dans le cadre d’Harmonie Textures ?

Jean Zigna : En amont, nous travaillons avec les orthophonistes pour la mise en place des différentes textures et des recettes, pour proposer des apports nutritionnels adaptés et diminuer les facteurs de risque de fausse route chez les personnes dysphagiques. Nous travaillons en collaboration avec des conseillers culinaires, qui viennent former nos cuisiniers. Ensuite, en tant que diététiciens, on va accompagner les équipes soignantes. C’est un processus important, parce qu’il faut lever les freins que peuvent avoir les personnels quant à la réintroduction de morceaux « non mixés ».

Comment Harmonie Textures contribue à offrir une alimentation équilibrée aux personnes âgées en situation de dénutrition ?

Jean Zigna : Pour prendre des exemples précis, les repas mixés vont souvent vers la simplification. Dans une offre classique, on sert à une majorité de résidents des fruits en compote, mais l’on sait que le fruit cuit est privé de la vitamine C, qui est détruite dès 40 °C. Aussi Harmonie Textures substitue aux compotes des fruits crus. Et nous réalisons la même chose sur les crudités. Le travail porte aussi sur la viande, pour stimuler la différenciation des ingrédients. Dans un repas mixé, difficile de distinguer porc, dinde, poulet, etc. Avec des textures réintroduites, on retrouve cette stimulation sensorielle-là, parce que les viandes entre elles n’ont pas la même texture. Les apports nutritionnels s’en ressentent : par les stimulus, par les recettes, Harmonie Textures permet de faire progresser l’appétit des personnes âgées, et de les voir finir leurs assiettes, ce qui leur permet de consommer les nutriments dont ils ont besoin.

Comment les recettes contribuent par elles-mêmes à cette lutte contre la dénutrition ?

Jean Zigna : Nous proposons une cuisine de saison, ce qui permet d’offrir une vraie justesse de goût, toute l’année. On ne trouve pas dans Harmonie Textures de tomates dans les menus de décembre, parce qu’elles sont plutôt fades à cette époque, tandis que les légumes d’hiver apportent un vrai plus en termes de saveur. Et ainsi de suite. L’offre s’appuie également sur les plats mijotés, qui ont l’avantage de cuire longtemps et donc de développer leurs saveurs. De plus, ces recettes se suffisent à elles-mêmes pour couvrir les apports nutritionnels, que l’on parle d’un pot-au-feu, d’un plat de saucisses-lentilles… Enfin, nous amenons des ingrédients qui contribuent à la diversification des protéines. En accord avec la responsabilité sociale et environnementale de Sodexo, nous utilisons davantage de légumineuses, des céréales, même si parfois les résidents peuvent être surpris par ces nouvelles recettes… Il convient avec les directions des EHPAD d’amorcer cette transition alimentaire.

Un concours de recettes est également réalisé dans le cadre de cette offre. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Jean Zigna : Chaque année, la semaine de lutte contre la dénutrition se déroule en novembre, dans le cadre d’un plan national. Cette année, Sodexo a eu l’idée d’aller un peu plus loin, en créant un concours basé sur les recettes enrichies. Nous nous sommes basés sur un cadre, avec 10 grammes de protéines et 150 kCal à ajouter aux plats, et chaque cuisinier participant nous a proposé une recette dans ce cadre. La recette devait séduire d’un point de vue organoleptique et nutritionnel. Côté sucré, c’est un banoffee, une délicieuse recette aux spéculoos, petits suisses et caramel qui a gagné. Côté salé, une soupe de légumes et pois cassés aux lardons. Un concentré de plaisir et de protéines !

Face au diagnostic de dénutrition établi par les professionnels de santé, les bonnes habitudes alimentaires reprennent leur place au quotidien et à tous les repas en EHPAD grâce à une offre comme Harmonies Textures. De la préparation des menus à l’accompagnement des résidents, cette offre entraîne une véritable révolution et impacte positivement la qualité de vie des personnes âgées, en étant à la fois une prévention pour les risques de dénutrition et un moyen de retrouver l’appétit pour les résidents atteints de dénutrition modérée, voire de dénutrition sévère.