L'uniforme à l'école : mythe ou délivrance ?

L'uniforme à l'école : mythe ou délivrance ?

Publié le : 27/02/23
Temps de lecture : 3 min
  • Une question débattue et rebattue. Harcèlement scolaire, inégalités sociales, décrochage scolaire… L'uniforme obligatoire est régulièrement présenté comme la solution miracle aux maux que peuvent rencontrer les chefs d’établissement. Aujourd’hui, le sujet pourrait néanmoins n’être qu’un débat idéologique voire politique.

    Janvier 2023. L’uniforme scolaire revient sur le devant de la scène médiatique. Tandis que Brigitte Macron confie dans Le Parisien qu’elle est favorable au “port de l’uniforme à l’école, mais avec une tenue simple et pas tristoune". Déjà en 2020, un sondage avait fait grand bruit : 63 % des Français se prononçait en faveur du port de l’uniforme. 

    Les vertus supposées de l’uniforme

    Quels sont les avantages avancés par ses partisans ? D’abord, gommer les inégalités entre classes sociales à l’école, dans un contexte de surenchère des marques. De quoi mettre les enfants sur un pied d’égalité et limiter les phénomènes de harcèlement scolaire voire de criminalité alors que les vêtements sont sources de conflits et véritables marqueurs sociaux. Une étude menée en Californie en 1995 avance ainsi que le port de l’uniforme aurait permis de réduire de 91% les violences scolaires. Autre atout ? Le budget vêtement serait davantage maîtrisé. “Lorsque nous avons habité au Mexique, notre fille portait l’uniforme au lycée français. C’était extrêmement économique et rapide le matin pour l’habiller.”, témoigne ainsi Baptiste, papa de Chloé.

    Il renforcerait également le sentiment d’appartenance à son école. “Ce n’était pas rare de croiser un élève de l’école dans le quartier. Et les enfants se parlaient simplement parce qu’ils avaient reconnu l’uniforme”, ajoute Baptiste. Pour certains, celui-ci permettrait même de résoudre le décrochage scolaire, en développant la fierté de faire partie d’un établissement. Enfin les résultats scolaires seraient améliorés grâce à l’uniforme, gage de sérieux et de concentration. Des arguments défendus notamment par des experts australiens et qui font l’unanimité en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique où un tiers des 218 établissements publics l’imposent déjà à leurs élèves.   

    Tout reste à prouver

    “Si effectivement, les uniformes ont toutes ces qualités [NDLR : citées dans le premier paragraphe], c'est vrai que cela pourrait être un moyen puissant et facile de changer les écoles pour le mieux.”, reconnaît Hugues Draelants, professeur de sociologie à l'UCLouvain et membre du GIRSEF. Mais, de leur côté, les détracteurs de l’uniforme obligatoire soulignent l’atteinte à la personnalité de l’enfant. “Toute une série d'arguments sont avancés contre les uniformes qui réduiraient la créativité, l’expression personnelle ou encore la capacité des enfants à prendre des décisions. Des principes qui paraissent quand même avoir du sens dans une démocratie”, relève Hugues Draelants. Les opposants de l’uniforme estiment qu’il ne règle pas les questions d’inégalités sociales et de harcèlement scolaire : “ Les élèves vont refaire entre eux des distinctions à partir de tout un tas d'accessoires que ce soit le cartable, les fournitures scolaires, le téléphone portable, les bijoux, la coiffure. Il y a plein de manières de réintroduire de la différenciation sociale ”, complète Hugues Draelants. Alors qui croire ? Si on se tourne vers la science, il n’existe pas aujourd’hui de consensus pour pencher dans un sens ou dans un autre. “Très peu de travaux de recherches ont été menés sur la question pour objectiver l'effet spécifique de l'uniforme scolaire. Aujourd’hui, il n'y a pas vraiment de résultat clair et probant qui se dégage de cette littérature”, constate Hugues Draelants.  

    Derrière l’uniforme, un débat sur l’école

    “On attend peut-être trop de la science. Le fait que ce soit idéologique n'est pas en soi négatif. Ce débat est légitime dans un monde où l'école cherche toujours comment trouver sa place par rapport au reste de la société ”, affirme Hugues Draelants. Car une question se profile derrière ce vêtement, celle de l’école que nous souhaitons dans un monde en changement. “L'école s'est massifiée depuis maintenant une cinquantaine d'années en accueillant des enfants de tous les milieux sociaux qui, pour une part, auparavant, n'accédaient pas au lycée”, explique Hugues Draelants. Cela bouscule les codes établis et la culture de l’école confrontée à celle d’une société qui évolue. "Avec cette ouverture à l’ensemble de la société, la culture de masse qui autrefois était tenue en dehors de l’école a pénétré l’institution scolaire, non sans générer des débats ". A l’image du crop top qui enflamment les discussions estivales dans les écoles. L'uniforme est rassurant pour une partie de la population car “il est un symbole d'une forme scolaire traditionnelle, synonyme d'ordre et de discipline”. Les écoles qui l’adoptent peuvent revendiquer un certain élitisme.  

    Toujours est-il que dans l’hexagone, les établissements scolaires qui requièrent l’uniforme se comptent presque sur les doigts de la main. “C'est marginal, mais c'est en croissance”, nuance Hugues Draelants. Les élèves français feront-ils leur rentrée de septembre 2023 vêtus d’un uniforme ? Les paris sont ouverts !   

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