Une alimentation plus saine et plus durable au service de meilleures conditions de travail : interview de Carole Galissant, Directrice transition alimentaire et nutrition pour Sodexo France.
Carole Galissant est Directrice transition alimentaire et nutrition pour Sodexo France, Présidente de la commission nutrition du SNRC et membre du CNA. Diététicienne nutritionniste de formation, elle porte aujourd’hui la politique nutritionnelle du groupe Sodexo France. 30 ans de veille permanente pour faire avancer petit pas par petit pas la restauration collective vers un modèle plus durable : on décrypte avec elle le lien entre l’alimentation et l’amélioration des conditions de travail.
En tant que diététicienne de formation, quelle est la spécificité de votre approche ?
Carole Galissant : Mon combat au quotidien est de promouvoir au niveau national le fait que la restauration collective est un acteur majeur du changement. À notre échelle, nous avons un rôle à jouer en proposant une restauration saine et durable. Travailler dans la restauration collective, c’est être un acteur de la prévention alimentaire. Nous accompagnons les moments de vie de beaucoup de consommateurs en France : de la crèche au lycée en passant par la restauration santé, la restauration d’entreprise, la partie justice et défense, mais également la livraison à domicile pour les personnes âgées... Le spectre est large et les réponses à apporter sont différentes.
Pour cela, Sodexo France emploie plus de 250 diététiciens, que l’on retrouve à tous les niveaux : au service achats par exemple, au moment de la construction d’une offre alimentaire qui correspond aux besoins nutritionnels de chaque convive. Mais aussi au moment de former les personnes qui servent et préparent les repas, ainsi que les consommateurs : il s’agit de transmettre notre expertise dans un contexte très réglementé. Nous sommes identifiés comme un lieu où il est possible de faire passer des informations positives sur l’alimentation et je trouve cela génial.
C’est quoi, pour vous, bien manger et, plus spécifiquement, bien manger au travail ?
Carole Galissant : Il y a tout d’abord la notion de plaisir dans le fait de bien s’alimenter : manger est avant tout un moment de ressourcement. Bien manger, c’est également couvrir ses besoins nutritionnels propres sans contrainte : choisir une alimentation qui nous permette d’être en pleine forme. Maladies cardiovasculaires, diabète… Les liens entre beaucoup de maladies et l’alimentation sont établis. L’alimentation est clairement un axe majeur pour améliorer ses conditions de vie.
Bien s’alimenter permet aussi de travailler dans de bonnes conditions. Une bonne alimentation améliore non seulement la productivité, mais elle influe aussi sur l’absentéisme : des salariés en pleine forme sont moins absents et cela occasionne moins de dépenses de santé. L’alimentation peut aussi permettre de réduire les accidents du travail en diminuant l’inattention et la somnolence.
Le déjeuner est donc l’occasion de se redynamiser : pour cela, il faut proposer une variété de plats intéressants, avec des aliments plaisir. Monter les menus dans cet objectif est passionnant, comme un puzzle.
Qu’est-ce qui distingue la restauration collective de la restauration commerciale ?
Carole Galissant : Notre offre alimentaire doit couvrir les attendus de mangeurs pluriels. Que l’on soit végétarien, végétalien, que l’on ait des goûts traditionnels ou que l’on veuille s’ouvrir à une cuisine du monde ou à d’autres expériences culinaires : en tant qu’acteur de la restauration collective, il faut ouvrir le champ des possibles. Si l’employeur veut garder son personnel, l’offre alimentaire qu’il propose doit être cohérente avec ces attendus, notamment parce que la restauration collective est concurrencée par la restauration commerciale. C’est notre devoir de proposer une offre alimentaire la plus large possible et surtout la plus contrôlée possible.
Pour s’aligner sur la restauration commerciale, on pourrait faire simple en proposant des hamburgers et des frites tous les jours. Cela marcherait sûrement. Mais notre rôle est aussi de guider vers une alimentation plus saine et durable. Une étude post covid avec le SNRC fait ressortir que pour 7 Français sur 10, la cantine permet désormais de mieux manger et donc d’être en meilleure santé. Loin du bashing traditionnel associé au restaurant d’entreprise, ce lieu est désormais plébiscité parce que l’on y mange équilibré.
Il y a tout d’abord la notion de plaisir dans le fait de bien s’alimenter : manger est avant tout un moment de ressourcement.
Comment vous y prenez-vous pour changer les habitudes alimentaires, améliorer les conditions de travail et avancer vers une alimentation plus durable ?
Carole Galissant : Chez Sodexo, la nutrition est au service du culinaire : nos convives ne doivent pas se poser de questions. Quand ils rentrent dans le restaurant, il faut qu’ils se sentent à l’aise et que tout le travail en amont ait été fait par nous : choisir le bon produit, structurer les recettes, donner l’information fiable. C’est notre devoir de rassurer les consommateurs.
Toute la chaîne doit travailler sur le sujet. L’alimentation durable n’est pas seulement une affaire de techniciens qui créent un beau menu : elle passe par le cuisinier qui va faire attention aux dosages de sel et en matière grasse, par le serveur qui prend le temps d’ajuster la quantité dans l’assiette de chaque consommateur… Il s'agit d’un travail d’équipe.
Cela devient extrêmement complexe : notre consommateur recherche la qualité dans l’assiette et la transparence, notamment sur l’impact carbone de ce qu’il consomme. Lorsque l’on choisit de revoir notre catalogue produits, on a par exemple une action réelle aussi sur nos fournisseurs. Quand un acteur comme Sodexo avance, techniquement cela peut faire bouger les lignes sur toute la profession.
Ce sont des réflexions multiples. Il est par exemple possible de mieux répondre aux besoins nutritionnels tout en limitant le gaspillage (qui est une thématique importante chez Sodexo), en proposant des contenants de taille différente.
Que l’on soit végétarien, végétalien, que l’on ait des goûts traditionnels ou que l’on veuille s’ouvrir à une cuisine du monde ou à d’autres expériences culinaires : en tant qu’acteur de la restauration collective, il faut ouvrir le champ des possibles. Si l’employeur veut garder son personnel, l’offre alimentaire qu’il propose doit être cohérente avec ces attendus.
En dehors des ingrédients alimentaires, quels sont les autres ingrédients qu’on ajoute à une pause-déjeuner pour qu’elle renforce le bien-être au travail ?
Carole Galissant : L’environnement, et le bruit en particulier, sont des facteurs à prendre en compte. Aujourd’hui, quand on construit ou que l’on adapte un restaurant, nous analysons de quelle manière il est possible de minimiser le bruit, notamment les bruits de plonge et de vaisselle. Il est aussi important de laisser le choix aux convives de pouvoir déjeuner en tête-à-tête ou autour d’une grande table.
La France est l’un des pays où l’on passe le plus de temps à table au déjeuner. La convivialité est primordiale : sans elle, vous n’apprécierez pas votre repas de la même façon !
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