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Cancer et alimentation : refavoriser le plaisir de manger

Publié le : 24/04/23
Temps de lecture : 6 min
  • Si l’origine des cancers est multifactorielle, l’âge augmente le risque d’apparition des cancers. L’âge médian du diagnostic en France est de 68 ans pour les hommes et 67 ans pour les femmes et près d’1/3 des cancers sont diagnostiqués chez des personnes de plus de 75 ans. Les établissements de santé comme les EHPAD sont donc particulièrement concernés par la prise en charge des cancers, tout comme les SSR (soins de suite et de réadaptation).

    Les effets les plus fréquents du cancer sur l’alimentation du patient

    Le cancer ainsi que les effets liés aux traitements peuvent engendrer des troubles intestinaux, des nausées, des vomissements, mais également des pertes d’appétit et des troubles du goût. Tous ces symptômes ont un impact fort sur l’alimentation des malades et augmentent le risque de dénutrition. Les personnels soignants sont donc confrontés à la prise en charge de ces troubles, qui amènent à repenser et à adapter l’alimentation. En effet, dans la santé, comme dans la maladie, l’alimentation joue un rôle crucial pour le bon fonctionnement de l’organisme. Il est donc essentiel d’entretenir une alimentation riche, dans des quantités suffisantes en favorisant le plaisir de manger des patients.

    Dénutrition : diagnostic et prise en charge

    La dénutrition, qui se traduit par un déséquilibre de la balance énergétique (carence en protéines et en énergie) est alors une des conséquences de la perte d’appétit, courante dans le cas de personnes atteintes de cancer.  

    D’après la Société Francophone de Nutrition Clinique et Métabolisme, 40 % des patients atteints de cancer sont dénutris. Un risque d’autant plus marqué chez les séniors puisqu’ils sont déjà sujets à la sarcopénie (perte de masse au cours du vieillissement). A terme, les risques de cachexie sont augmentés provoquant un affaiblissement profond de l’organisme dû à une dénutrition importante.

    nutritionniste établissant un plan d'alimentationIl est donc primordial de prévenir les risques de dénutrition, et cela passe par la surveillance de l’état nutritionnel des patients atteints de cancer. La Haute Autorité de Santérecommande de suivre l’évolution de l’état nutritionnel en procédant, notamment en EHPAD, à l’arrivée du résident, puis une fois par mois, à :

    • La mesure du poids 
    • Le calcul de l’IMC 
    • L’évaluation de l’appétit 
    • L’évaluation de la consommation alimentaire 
    • La force musculaire

    La prise en charge de la dénutrition se traduit également par des actions concrètes liées à l’alimentation :  

    • Veiller à l’apport en protéines : les besoins en protéines pour un patient atteint de cancer sont de 1,2 à 1,5 g / kg de poids corporel / j ce qui correspond à environ 100 g de protéines par jour pour un patient de 70 kg2. Parmi les sources de protéines, il semble intéressant de privilégier la volaille (au lieu de la viande rouge), les œufs, le poisson et les produits laitiers 
    • Enrichir l’alimentation : si les apports protéiques et énergétiques demeurent trop faibles, il est possible d’enrichir l’alimentation. Par exemple, il est possible d’ajouter des œufs, du gruyère, du beurre ou de la crème fraiche dans les purées, une cuillère à soupe de poudre de lait écrémé dans un yaourt3, etc. 
    • Fractionner l’alimentation 
    • Privilégier les plats froids ou tièdes, ne dégageant pas d’odeurs prononcées 

    Enfin, si l’enrichissement de l’alimentation ne suffit pas, les compléments nutritionnels oraux (CNO) tels que les liquides sucrés ou salés, les crèmes enrichies ou encore les plats mixés prêts à l’emploi sont une solution pour rééquilibrer les apports nutritionnels.  

    Cependant, en cas de dénutrition sévère, les personnels soignants devront avoir recours à une alimentation entérale ou parentérale.

    Cancer et alimentation : 70 % des patients souffrent de déviation du goût

    Le goût et l’odorat sont très souvent modifiés pour les patients atteint d’un cancer, soit en raison de la maladie, soit des traitements. 

    Plus de la moitié des patients en chimiothérapie, et 90 % des patients en radiothérapie au niveau de la gorge et de la bouche sont sujets à des troubles du goût.4

    Les saveurs des aliments sont alors modifiées, et peuvent provoquer des aversions. C’est, par exemple, le cas de la viande rouge dont le goût devient métallique. Le goût peut aussi disparaitre, tout comme l’odorat, rendant difficile le fait de s’alimenter.

    On distingue trois types de perception du goût des aliments

    • L’hypogueusie : la diminution du goût des aliments 
    • La dysgueusie : caractérise l’altération du goût 
    • L’agueusie : la perte totale du goût des aliments. Par ailleurs, certains cancers et traitements sont à l’origine d’inflammations de la bouche (aphtes), de sécheresse buccale et de troubles de la déglutition appelés dysphagie.

    Déviation du goût, agueusie, dysphagie… autant de symptômes ayant une incidence sur l’alimentation du patient. Il y a cependant quelques conseils pour pallier ces difficultés :  

    • Le goût métallique de la viande rouge peut être contré en commençant le repas avec une boisson acidulée (ex. jus d’orange, eau citronnée)3 
    • Les textures des aliments doivent être adaptées en fonction du degré de dysphagie : alimentation hachée, mixée, etc. (cf. nomenclature IDDSI) 
    • En cas de sécheresse buccale boire de l’eau citronnée peut activer la sécrétion de salive4

    Nausées et vomissements

    Les nausées sont des effets secondaires très fréquents lors des traitements contre le cancer. En effet, environ 70 à 80 % des adultes atteints de cancer souffrent de nausées et de vomissements induits par la chimiothérapie5 ou encore la radiothérapie. Cela s’explique notamment par l’administration d’anticancéreux comme la cisplatine, une molécule hautement émétisante6.  

    Ces molécules chimiques provoquent ainsi des vomissements dans un délai de 1 à 3 jours à partir du jour du traitement.  

    Il est donc important d’adapter l’alimentation du patient afin d’atténuer ces effets secondaires. Fractionner les repas est une solution, tout comme les collations. Il est également essentiel de veiller à l’hydratation, en proposant régulièrement de petites quantités. Les boissons gazéifiées peuvent être administrées, permettant d’atténuer les nausées.   

    Dans le cas où l’alimentation et l’hydratation sont impossibles au-delà de 48 heures (vomissements systématiques), une nutrition parentérale peut être évoquée.  

    Faire rimer cancer, alimentation et plaisir

    Un processus de modification des habitudes est nécessaire pour lutter contre les effets secondaires de la maladie ou des traitements. Celui-ci doit être favorisé par la proposition de produits alimentaires adaptés, en termes de textures mais aussi au regard des problématiques rencontrées en fonction du type de cancer.  

    groupe de personnes déjeunant autour d'une table pleine de nourriturePar ailleurs, en l’état actuel des connaissances scientifiques, il est recommandé de ne pas pratiquer le jeûne ou un régime restrictif au cours de la prise en charge d’un cancer, car ils peuvent constituer un facteur de risque. En effet, ces pratiques présentent un risque d’aggravation de la dénutrition et de perte musculaire et certaines études scientifiques montrent même des effets délétères chez les patients, comme une diminution de l’efficacité des traitements anticancéreux7.

    Malgré la maladie et les traitements, garder le plaisir de manger reste primordial. Pour cela, il est nécessaire de composer des menus respectant une alimentation équilibrée et variée, tout en s’efforçant de conserver un sens aux yeux des patients. Des repas associés à de bons souvenirs, avec des saveurs connues et rassurantes seront appréciés. Cela permettra d’associer le moment du repas non plus comme une contrainte mais comme un moment apaisant et plaisant. La qualité des aliments et des matières premières joue un rôle essentiel dans l’appréciation des plats. Les textures des aliments ont également une importance : certaines personnes, surtout âgées, ne peuvent pas toujours tout manger (troubles de la déglutition ou difficulté à mastiquer). Il est donc important de prendre ce paramètre en compte et d’adapter les repas en fonction.

    Une attention toute particulière pourrait être apportée au dressage des assiettes, afin de rendre les plats encore plus appétissants.   

    Outre la composition des menus et la qualité des plats, le plaisir passe également par l’environnement du repas. Une ambiance apaisante, dans une salle sobrement décorée avec des couleurs chaudes permettront aux patients de se sentir détendus au moment de manger8.  

    Il semble également intéressant d’adapter les menus et quantités en fonction du profil de chaque patient, afin d’optimiser la prise alimentaire : s’adapter à leurs goûts, leurs problématiques et les effets secondaires de leur traitement pourrait être une bonne manière de leur redonner le plaisir de manger.  

     

    Service de Restauration

    En savoir plus

      1. Source : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/202111/reco368_fiche_outil_denutrition_pa_cd_20211110_v1.pdf 
      2. Nutrition et cancer, Gustave Roussy, https://www.gustaveroussy.fr/sites/default/files/brochure_cancer-alimentation2021.pdf
      3. Institut Curie, Conseils nutritionnels adaptés aux effets secondaires de la chimiothérapie, https://institut-curie.org/sites/default/files/medias/documents/2019-03/Chimioth%C3%A9rapie%20%26%20conseils%20nutritionnels.pdf
      4. Dénutrition et perte du goût, Gustave Roussy – Cancer Campus Grand Paris https://www.gustaveroussy.fr/sites/default/files/Denutrition-troubles-du-gout-2014.pdf
      5. Antiémétiques chez l'adulte dans la prévention des nausées et vomissements provoqués par une chimiothérapie moyennement ou hautement émétisante: une méta‐analyse en réseau : https://www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD012775.pub2/full/fr#:~:text=Environ%2070%20%C3%A0%2080%20%25%20des,par%20la%20chimioth%C3%A9rapie%20(NVIC) 
      6. Nausées et vomissements chimio-induits : physiopathologie, prophylaxie et recommandations : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007455115308869#:~:text=Les%20naus%C3%A9es%20et%20les%20vomissements,du%20cisplatine%2C%20mol%C3%A9cule%20hautement%20%C3%A9m%C3%A9tisante
      7. NACRe, Jeûne et Cancer, 2018
      8. Ministère des affaires sociales et de la santé, Recueil d’actions pour l’amélioration de l’alimentation en établissements hébergeant des personnes âgées/