En télétravail ou sur site, plus de six salariés sur dix se déclarent gênés par le bruit au travail. Le sujet est-il suffisamment pris en compte par les employeurs ? On décrypte.
C’est une étude réalisée par l’Ifop pour l’Association nationale de l’audition et publiée en octobre 2023 *qui le révèle : 62 % des salariés se disent gênés par le bruit sur leur lieu de travail, une proportion en hausse de dix points en un an. C’est une gêne qui, selon ce baromètre, touche toutes les classes d’âge : 64 % des moins de 35 ans, 63 % des 35-49 ans et 59 % pour les 50 ans et plus.
Si l’on se concentre sur le secteur tertiaire, presque trois quarts (74 %) des personnes qui travaillent en open space sur un poste attitré sont touchés par les nuisances sonores. Les Franciliens (61 %) et les télétravailleurs hybrides (60 %) travaillant à distance deux à trois jours par semaine sont également fortement exposés.
L’ouïe, parent pauvre des 5 sens
Pour Eelco Ruiter, directeur Space Design by Sodexo : « Lorsque l’on aménage des espaces, le plus important à prendre en compte est le cognitif, c’est-à-dire les 5 sens. Si on en oublie un, on perturbe les autres. Or, on constate que la plupart des bâtiments tertiaires et des restaurants d’entreprise ont une mauvaise isolation acoustique et phonique ».
Rappelons que l’isolation phonique consiste à éviter que les bruits extérieurs ne pénètrent et résonnent à l’intérieur tandis que l’isolation acoustique permet au bruit intérieur de ne pas se propager.
Pour travailler confortablement, le bruit perçu doit se situer entre 40 et 50 décibels : le seuil d’alerte étant de 80 décibels, seuil que peut atteindre, par exemple, un restaurant bruyant selon le Ministère du Travail et de l’Emploi. Romain Bendavid, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès sur les enjeux de la qualité de vie et des conditions de travail et auteur d’une note sur le sujet, constate : « les open spaces fleurissent partout, les nuisances sonores au travail font partie du quotidien des salariés mais sont peu prises en compte par les employeurs ».
Les répercussions d’une exposition au bruit plusieurs heures par jour sur la santé sont pourtant nombreuses : fatigue, lassitude, irritabilité, stress mais aussi dégradation des relations sociales, troubles du sommeil, etc.
Des solutions innovantes
Si comme le souligne Eelco Ruiter, « la perception du bruit est pour 50 % d’ordre psychologique : je vois d’abord un collègue au téléphone avant de l’entendre, et pour 50 % due à un manque d’isolation », des solutions existent pour y remédier. Comme l’utilisation d’objets conçus dans des matériaux qui vont capter le bruit : rideaux phoniques, dalles acoustiques à fixer au plafond, suspensions de nuages Acloud® conçus dans une ouate acoustique (une création française !), panneaux de séparation dans les opens space et les restaurants pour réverbérer le son, etc.
« Aujourd’hui, la mode est aux plafonds bruts, au sol en béton, aux grandes baies vitrées… Dans ce type de lieu, il faudrait recouvrir 75 % de la surface pour avoir une isolation convenable. Faire un choix entre l’esthétique et la nécessité d’un environnement de travail confortable est parfois indispensable ».
Pourtant, les employeurs devraient prendre en compte la sensibilité des oreilles de leurs collaborateurs. En effet, selon l’analyse de Romain Bendavid, elle pourrait être un enjeu de marque employeur : 64 % des télétravailleurs interrogés dans l’étude précitée affirment que la possibilité de travailler dans un environnement sonore moins bruyant pourraient les inciter à changer d’emploi…
*Bruit, santé auditive et qualité de vie au travail, vague 7 », Ifop pour la JNA, 2023.